1. Il s’est écoulé « trois mois » (l. 1) depuis l’arrivée de la Belle jusqu’à sa déclaration d’amitié pour la Bête. Celle-ci se résigne à envisager un avenir fondé sur l’amitié et la cohabitation, et voit comme une condamnation définitive à la solitude et à la mort le départ de la Belle. Elle, de son côté, a suffisamment confiance en la Bête pour lui exprimer son souhait de retourner auprès de son père, dont elle a appris la maladie entre-temps. Mais devant le chagrin de la Bête, elle prend conscience de son attachement pour la créature ; elle n’envisage un éloignement que limité à « une semaine » (l. 28), mais ne souhaite plus la « quitter tout à fait » (l. 20).

2. La Belle est prise entre deux désirs : le désir légitime de revoir son père malade, mais aussi celui de ne pas faire souffrir la Bête. Ils reflètent la situation de Belle, prise entre deux attachements : l’attachement filial qui s’est manifesté depuis le début du conte et la lie à son père, et l’attachement profond qui naît pour la Bête et qui prépare l’issue du conte.

3. La fréquentation quotidienne de la Bête permet à la Belle de dépasser l’apparence repoussante de la Bête pour découvrir ses qualités. Elle représente l’idéal de l’honnête homme au XVIIIe siècle, converse avec « assez de bon sens » (l. 2-3), sans céder au vernis mondain de « l’esprit » (l. 3), s’incline devant les réticences de la Belle sans chercher à la faire renoncer à son libre arbitre et porte un jugement impartial sur elle-même. Enfin, elle manifeste sa sensibilité en ne cherchant pas à masquer sa « douleur » (l. 9) de voir la Belle refuser sa demande en mariage et s’éloigner du château.

4. La laideur s’estompe devant les qualités de cœur et d‘âme de la Bête : sa conversation, sa sensibilité et son respect à l’égard de la Belle et de ses désirs l’emportent sur son aspect. Ainsi, Mme Leprince de Beaumont incite les enfants à dépasser les apparences pour aller réellement à la rencontre d’autrui.

5. Les objets magiques ont ici un rôle de lien avec l’extérieur du château : le « miroir » qui présente à celui qui le contemple ce qui se passe loin de lui est un objet courant dans le conte de fées, comme, par exemple, celui de la Reine dans Blanche-Neige. Quant à la « bague » (l. 30), elle permet le voyage pendant le sommeil. Néanmoins, ces objets magiques n’ont pas une fonction indispensable au déroulement du conte ; la Belle aurait pu apprendre par une lettre la maladie de son père, de même qu’elle aurait pu faire le voyage jusqu’à lui à cheval. Le texte est davantage centré sur l’évolution psychologique du personnage que sur l’évolution du récit : la Belle devient une jeune femme en acceptant de s’attacher à un autre homme que son père, sans pour autant renoncer à son amour filial.

6. Le dénouement du conte est ainsi préparé par l’ultime étape que représente la séparation. Elle constitue une épreuve, aussi bien pour la Bête, qui doit apprendre à supporter l’absence de la Belle, que pour la jeune fille, à qui elle va permettre de mesurer la force du lien qui l’attache désormais à la Bête. Toutes les conditions seront bientôt réunies pour lever le sortilège qui pèse sur la Bête et autoriser le mariage avec le Prince débarrassé de son apparence monstrueuse, dont le physique sera enfin en conformité avec le caractère.