1) En quoi le cadre spatio-temporel, la structure narrative et le point de vue du narrateur de la nouvelle nous donnent-ils accès au point de vue de l’auteur et à sa dénonciation de la nature humaine ?

2) Comment pouvez vous relier la nouvelle à notre parcours « Individu, morale et société » ?

1) La structure de l’œuvre, et donc l’enchainement des évènements permet au lecteur de distinguer clairement le point de vue de l’auteur. En effet, lors de la situation initiale, les personnages sont réunis au sein d’une diligence en route vers le Havre, et sont différenciés par leur classe sociale, qui les poussent à ressentir et à faire ressentir, le mépris qu’ils ont à l’égard de Boule de Suif, une prostituée. L’élément déclencheur, lui, est constitué par la demande de l’allemand, logeant dans l’auberge où la diligence fait halte, d’avoir une relation sexuelle avec Boule de Suif, et qui, si elle n’est pas remplie, donnera lieu à une interdiction par le soldat allemand, de reprendre la route pour toute la diligence. Le nœud de l’action correspond au moment où la pression et la manipulation exercée sur Boule de Suif par les voyageurs de la diligence afin de pouvoir quitter l’auberge, est à son apogée. Le dénouement désigne le moment où Boule de Suif cède à la pression de la troupe et accepte d’avoir une relation sexuelle avec le soldat allemand. La situation finale, quant à elle, désigne le moment où la diligence reprend sa route, dans une ambiance tendue, où Boule de Suif est méprisée plus que jamais par les voyageurs. C’est l’enchainement et le lien de cause à effet entre ces évènements qui met en avant la cruauté et les vices des personnages, et donc le point de vue de l’auteur à l’égard de ceux-ci ; Premièrement le mépris des voyageurs envers Boule de Suif, puis la manipulation exercée sur elle afin d’obtenir ce qu’ils souhaitent, puis le renoncement de Boule de Suif à subir la pression des voyageurs et à accepter un viol, et enfin à nouveau le mépris des voyageurs envers Boule de Suif.

Le fait que cette nouvelle se déroule pendant la guerre franco-allemande de 1870, permet de mettre d’autant plus en avant la cruauté humaine, dont font preuve les personnages à l’égard de Boule de Suif. En effet, au vu du drame cela représente, nous pourrions penser que l’union et la solidarité face à l’ennemi allemand aurait pu faire tomber le poids des classes sociales, et revenir à des valeurs principielles entre les français, hors là n’est pas le cas. De plus, cette idée d’une potentielle solidarité que se fait le lecteur, est renforcée par le fait premièrement, que tous les personnages de cette nouvelle partage chaque lieu où ils se rendent (la diligence, l’auberge), et deuxièmement, qu’ils soient unis et engagés vers un même but ; quitter Rouen et rejoindre le Havre. A l’œil du lecteur, c’est donc une horreur qui dépasse quelques instants, celle de la guerre. En effet, les personnages livrent sans aucun scrupule Boule de Suif au soldat allemand, qui premièrement, est alors un ennemi de la République, et deuxièmement, oblige Boule de Suif, sous peine d’empêcher toute la diligence de reprendre sa route, à avoir un rapport sexuel non consenti avec lui ; autrement dit, il s’agit d’un viol.

Le point de vue du narrateur étant omniscient (nous avons accès aux sentiments et aux pensées de chacun des personnages), la mise en avant de la cruauté des personnages et de son effet sur Boule de Suif est d’autant plus distincte. En effet, le jeu de manipulation de Boule de Suif par les voyageurs est clairement exprimé, comme à la page soixante-deux, ligne vingt-et-un à vingt-quatre, avec l’expression « jusqu’au déjeuner, ces dames se contentèrent d’être aimables avec elle, pour augmenter sa confiance et sa docilité à leur conseils. ». Ici, la présence du « pour » est révélatrice ; elles sont aimables avec Boule de Suif car, caché derrière cela, elles ont un but. Cette manipulation se retrouve également dans l’expression « Il la prit par la douceur, par le raisonnement, par les sentiments. », une métaphore qui montre qu’il adopte un comportement malsain.

2) La nouvelle Boule de suif fait écho à notre parcours « Individu, morale et société ». En effet, est illustrée ici une situation dans laquelle plusieurs individus, vivant dans une société où les classes sociales divisent, élèvent, ou bien rapetissent, cohabitent ensemble le temps de quelques jours et font face à une situation problématique. C’est cette situation problématique qui pose l’enjeu de la morale des personnages, de par la façon dont ils solutionneront cette même situation. Leur choix est la représentation des leur morale, et celle-ci n’est pas la même que l’auteur, chose qu’il nous fait ressentir, tout au long de la nouvelle. Cette nouvelle illustre non seulement la morale de personnages vivant à une certaine époque, mais également le problème de la morale elle-même, qui n’est pas fixe, et n’est qu’une vision propre du bien et du mal, fait illustré par la divergence de cette vision, chez l’auteur et chez les personnages qu’il met en scène.