Je viendrais cependant rajouter quelques éléments :
- On peut carrément employer le mot "viol collectif" au moins la deuxième image : on a l'impression que cette publicité représente le début d'un viol collectif. Ce groupe nominal n'est pas trop fort, on peut le dire et le justifier.
- La dénonciation a été comprise par la majorité d'entre vous : oui, cette publicité représente la perception sexualisante masculine où la femme est réduite à un objet sexuel ayant pour simple but de satisfaire le fantasme masculin. Publicités orientées vers le fantasme masculin, la considération de la sexualité par l'homme. L'homme veut dominer la femme-objet.
- Il y a la distanciation entre le haut/le bas, l'horizontal/le vertical, pour faire de la femme un objet qui serait inférieur à l'homme qui lui serait bien supérieur, en hauteur, constitué de lignes verticales montant vers le ciel, alors que la femme n'est réduite qu'un un niveau : l'horizontalité, le bas de l'image.
G. Legoff
Professeur de Français
Messages : 147 Date d'inscription : 16/03/2020
Sujet: Pierre Bourdieu, la domination masculine Sam 28 Mar - 12:48
Tout au long de son oeuvre, Pierre Bourdieu s'est attaché à décrire les rapports de domination qui s'exercent entre les individus dans tous les domaines de la société. Selon sa théorie, les dominants (groupes sociaux, ethnies, sexes) imposent leurs valeurs aux dominés qui, en les intériorisant, deviennent les artisans de leur propre domination. Dans son ouvrage La domination masculine, Pierre Bourdieu va mettre en avant la « violence symbolique » exercée sur la femme, créée et entretenue par la société. Le conditionnement de la société impose aux individus des perceptions, des organisations de pensées, qui vont mettre en place des rapports de force entre les individus : ainsi, on organise notre perception du monde selon des oppositions binaires, avec un jugement de valeur : chaque chose aurait son opposé et l'un des deux est forcément supérieur à l'autre. Dans notre perception occidentale par exemple, le lumineux, le clair, le blanc, s'opposent au noir, au sombre, à l'obscurité. Cela permettrait d'expliquer pourquoi l'homme blanc s'est longtemps perçu comme étant supérieur à l'homme noir. Dans cette même logique, on associe l'homme à la femme, l'un étant logiquement pensé comme supérieur à l'autre selon la construction de pensées : haut/bas, chaud/froid, sec/humide, dessus/dessous, actif/passif, noir/blanc, soleil/lune, nuit/jour. Ces perceptions vont avoir des conséquences sociales : en excluant les femmes des tâches les plus nobles (conduire la charrue par exemple), en leur assignant des places inférieures (le bas-côté de la route ou du talus), en leur enseignant comment se tenir avec leur corps (c’est-à-dire par exemple courbées, les bras serrés sur la poitrine, devant les hommes respectables), en leur attribuant des tâches pénibles, basses et mesquines (elles charrient le fumier et, dans la cueillette des olives, ce sont elles qui ramassent, avec les enfants, pendant que l’homme manie la gaule), et, plus généralement, en tirant parti, dans le sens des présupposés fondamentaux, des différences biologiques, qui paraissent ainsi être au fondement des différences sociales. De même que la morale de l’honneur masculin peut se trouver résumée dans un mot, cent fois répété par les informateurs, qabel, faire face, regarder au visage, et dans la posture droite (celle de notre garde-à-vous militaire), attestation de droiture, qu’il désigne, de même, la soumission féminine paraît trouver une traduction naturelle dans le fait de s’incliner, de s’abaisser, de se courber, de se sous-mettre (vs « prendre le dessus »), les poses courbes, souples, et la docilité corrélative étant censées convenir à la femme.
La société crée une image de la femme et une image de l'homme dont ils sont tous les deux prisonniers : Bourdieu parle de « l'habitus », qui donne aux hommes et aux femmes un rôle prédéterminé. La femme est prisonnière de sa féminité imposée (une femme doit être belle, soumise, dominée, inférieure à l'homme) et l'homme prisonnier de sa virilité imposé (un homme doit être fort, viril, macho, insensible, il doit imposer sa domination). Le rapport de domination se retrouve notamment dans la sexualité, encore aujourd'hui. Si l'on arrive à créer une égalité homme/femme dans notre société actuelle, la sexualité demeure un acte de domination masculine et un domaine tabou. Nous conservons une perception de la sexualité provenant des époques où la femme était la possession de l'homme (mariages arrangés et politiques). Ainsi, nous sommes encore prisonniers de cette conception dans la considération de la femme pendant l'acte sexuel (comme le montre l'image de la femme dans la pornographie). Le sexe n'est pas perçu de la même façon par l'homme et la femme, ce que Bourdieu explique. Pour l'homme, il faut posséder la femme, la dominer pour affirmer sa masculinité. Ne pas dominer serait ne pas être un homme. Pour la femme, la sexualité est perçue comme un partage relationnel où l'on donne et l'on reçoit elle ne perçoit pas la dimension de la domination ou l'accepte sans la réaliser, sans la comprendre. Ces deux conceptions se confrontent et s'entrechoquent, créant de la violence symbolique (la représentation de la femme) et parfois même physique (le viol).
G. Legoff
Professeur de Français
Messages : 147 Date d'inscription : 16/03/2020
Sujet: Traditions d'Olympus, webtoon de Rachel Smythe, épisode 24 Sam 28 Mar - 12:52
Traditions d'Olympus, webtoon de Rachel Smythe, épisode 24 1) AVANT L'AGRESSION
Le prédateur rejoint sa victime : ses 1ères apparitions sont le bruit (« crac ») et le faisceau de lumière, l'un annonçant la cassure interne de Perséphone, l'autre se focalisant sur la proie d'Apollon, bien au centre de son attention, mais aussi les interpellations et cette main qui agrippe les draps, symbolisant déjà une possession brutale et violente. A l'inverse d'Apollon, Perséphone est dans l'incompréhension et dans la confiance : elle ne comprend pas une seule seconde pourquoi il est là, comme le montrent les questions qu'elle lui pose soulignant sa naïveté, son innocence mais aussi sa vulnérabilité. Apollon est représenté comme presque comme un monstre : son regard fou et jaune démontre une certaine obsession, un côté mesquin et manipulateur qui met le lecteur mal à l'aise. Il tente de la persuader, de la manipuler, à la fois par le physique et l'oral (il lui impose des baisers, il la plaque sur le lit, « se précipite », « s'appuie » sur elle tout en essayait de la persuader qu'elle « le veut » et qu'elle a fait en sorte que tout cela arrive. A l'inverse, Perséphone tente de le rejeter, de refuser, elle aussi par le physique (elle se détourne, elle détourne le regard, elle le repousse avec ses mains, ses pieds) et par l'oral (par une argumentation concernant son futur de vierge sacrée, l'évocation de sa mère etc...) Cependant, elle finit par accepter (« bien... bien ») après avoir refusé à plusieurs reprises : Apollon a profité de sa vulnérabilité et de ses doutes pour abuser d'elle. Malgré tout, elle accepte, il y a donc bien consentement normalement... Mais s'il ne l'a pas obligé à l'acte, il l'a obligée à l'accepter.
2) PENDANT L'AGRESSION
L'auteur montre d'abord les autres personnages endormis, qui ne peuvent rien faire pour aider Perséphone : il se focalise sur Héra, qui ressent sa détresse mais ne peut pas l'aider non plus. L'auteur alterne ensuite entre des moments brefs et subtiles représentant Perséphone subissant l'acte (son corps en souffrance en posture de fœtus, les mains cachant son visage de victime violentée et honteuse, son visage choqué avec des yeux écarquillés à cause du traumatisme, le moment où il prend des photos et lui fait croire que c'est quelque chose de parfaitement normal et qu'elle ne peut pas refuser cela, il est en position de dominant à ce moment-là, au-dessus d'elle, lui imposant sa volonté) et des moments d'intériorité où elle se réfugie dans son jardin et où le lecteur accède à son ressenti et à ses pensées : son questionnement interne montre qu'elle réalise qu'elle ne voulait pas de ce rapport : « Je veux arrêter », « est-il trop tard pour le dire ? » (ne réalise pas son droit à refuser) « Pourquoi je l'ai laissé faire? » : elle se sent coupable, ne réalisant pas qu'elle est victime : ses questions internes montrent bien sa vulnérabilité et son innocence, mais aussi le fait qu'elle n'a aucun repère de comparaison, elle ne peut pas savoir que c'est un viol et qu'il a abusé d'elle, elle ne perçoit pas l'anormalité de la situation.
3) APRES L'AGRESSION
« Hé ! Hé ! » > une voix de loin, celle d'Apollon après le rapport sexuel, qui l'appelle pour la ramener à la réalité, hors de son lieu intérieur où elle s'était cachée. Décalage entre l'homme « époustouflée, hein ? » (virilité masculine, le sexe comme l'affirmation de sa masculinité) et la femme, sous le choc et l'incompréhension (le regard vide, l'incompréhension, tremblement de la voix) Possession sexuelle : « Tu es à moi. »
G. Legoff
Professeur de Français
Messages : 147 Date d'inscription : 16/03/2020
Sujet: Re: Analyse des trois documents Sam 28 Mar - 12:59
En résumé, les trois documents dénoncent la représentation de la femme dans nos sociétés comme un objet sexuel que l'homme pourrait posséder. On comprend alors ce statut que possède la femme de "victime de la société", elle est victime des représentations conditionnées que la société lui impose. Mais en quoi est-elle aussi "coupable" ? Pour la société, la femme doit s'auto-réduire à ces représentations et au moindre écart, elle devient coupable : c'est ce que nous verrons avec nos dernières explications linéaires où les femmes sont à la fois des victimes mais aussi des coupables dès qu'elles s'éloignent de l'idéal qu'elles doivent incarner.
Pour compléter cette étude, je vous invite à suivre la série WHY WOMEN KILL sur la chaîne M6 tous les jeudis soirs !
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Sujet: Re: Analyse des trois documents
Analyse des trois documents
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