L'étude de la lecture cursive : Boule de Suif

Dans Boule de Suif, l'auteur dénonce la bassesse morale de la nature humaine. L’’auteur parvient à délivrer sa vision personnelle qui dépasse le cadre historique et social du XIXème siècle et nous pouvons le voir à travers l'étude des structures narratives. Nous étudierons les lieux, la chronologie, donc le cadre spatio-temporel de la nouvelle et la composition du récit afin de dégager les principales formes que prend la dénonciation.

En général, le récit se passe dans des lieux fermés : la ville de Rouen occupée, la diligence, l’auberge de Tôtes. Cet enfermement renforce l’impression de huis-clos et emprisonne les personnages dans leurs obsessions. De plus, l’espace révèle symboliquement la rigidité sociale de la société bourgeoise de la fin du XIXème siècle : les possédants (Les De Bréville, les Carré-Lamadon, les Loiseau) s’unissent contre ceux qui remettent en cause la hiérarchie établie par l’argent, que ce soit par leurs idées politiques (Cornudet le démocrate) ou par leur comportement (Boule de Suif la prostituée).
D’autre part, le récit a une chronologie très précise. L’action se déroule pendant la guerre franco-prussienne de 1870. Or, les périodes de guerre sont celles pendant lesquelles les pulsions négatives de l’être humain s’expriment le plus : violence aveugle de l’invasion de Rouen, « droit de guerre » imposé par l’officier à l’auberge. La durée de l’action n’excède pas six jours. Cette condensation de la chronologie indique qu’il s’agit d’une crise : en effet, la nouvelle est un genre littéraire qui va à l’essentiel.
Ainsi, un certain nombre d’épisodes prépare l’événement clé du récit : la proposition scandaleuse du Prussien. Le récit du « panier à provisions » est une prolepse [figure de rhétorique par laquelle on va au-devant de l'action, anticipe, annonce ce qui va arriver plus tar]: Boule de Suif offre sa nourriture comme elle devra offrir son corps pour satisfaire les intérêts égoïstes de ses compagnons de voyage. Le narrateur met en avant la pertinence de cette structure narrative par une scène en écho à la fin du récit : la prostituée est exclue du repas préparé par les autres personnages dans la diligence, malgré son sacrifice. L’étude des lieux, de la chronologie, et de la composition de la nouvelle permet de mettre en avant que les personnages agissent de la même façon à l’égard de Boule de Suif : il y a une forme d'hypocrisie dénoncée par Maupassant..
Le point de vue omniscient facilite l’ironie du narrateur qui met en évidence les différentes formes de bassesse morale de tous ceux qui entourent la prostituée. Le récit montre surtout la préférence de l'union des intérêts individuels égoïstes à l’exigence morale collective : il vaut mieux sauver sa propre vie plutôt que de faire front contre l’ennemi. Les interventions du narrateur visent tous les personnages, notamment pendant la grande scène argumentative de la conspiration et pendant la « nuit du sacrifice » de Boule de Suif : grivoiserie de mauvais goût de M. Loiseau, mépris et mauvaise foi de Mme Loiseau, frustration sexuelle de Mme Carré-Lamadon, complicité des deux soeurs enfermées dans leur fanatisme missionnaire, diplomatie hypocrite du Comte qui cache sous un beau langage les idées les plus sordides...Même Cornudet, par lâcheté, n’ose pas intervenir. Ainsi, nous avons dégagé la vision du monde propre à Maupassant. Ce récit illustre une vision pessimiste de la nature humaine. L’accent est mis sur la bassesse morale de l’individu : l’égoïsme de chacun l’emporte sur toute autre considération et Boule de Suif est victime de l'individualisme des personnages. Ainsi, Maupassant est un auteur reconnu parmi les écrivains réalistes du XIXème siècle grâce à la justesse de cette dénonciation, appuyée par un style ironique.

Individu morale et société ou comment les intérêts individuels égoïstes écrasent l'exigence morale collective. Le récit dénonce des individus regroupés (au lieu d'un collectif d'individus, qui ferait primé le collectif) contre Boule de Suif qui elle, tente de faire face à l'ennemi de son pays (elle est à la fois la femme patriote, la femme rebelle, la femme qui fait passer le collectif avec elle-même). Elle sera finalement réduite à la femme-objet, la femme-marchandise et sacrifiée par les autres. Boule-de-Suif est une prositutée. Elle est ainsi surnommée en raison de son embonpoint. Cette simple fille, brave, sans manières, sans méchanceté ni malice est déjà la victime de la société avant même d'être dans la diligence. Tout la désigne pour le rôle de l'agneau. Le Loup, c'est l'officier prussien, l'envahisseur, auquel les compagnons de voyage de Boule de Suif (de beaux loups, eux aussi) la sacrifie. Le temps de cette escale à l'Auberge du Cygne est dessiné un tableau cynique, criant de réalisme, du comportement d'une société confrontée au péril et à l'insécurité, à la panique et à la défaite... La nature réelle des individus se révèle crûment en de telles périodes ! L'homme est donc bien un loup pour l'homme... Ce récit poignant aurait aussi très bien pu être écrit par La Fontaine sous la forme d'une fable. En effet, c'est une belle critique moralisatrice et réaliste de la nature humaine qui dénonce les apparences et oppose la "morale bourgeoise, religieuse et politique" hypocrite et individualiste à l'abnégation sans calcul de Boule-de-Suif, cette "fille perdue". La bonté, la charité et le don de soi de Boule de Suif s'opposent à l'égoïsme, la cupidité et l'ingratitude des autres personnages. Le Bien vient de l'être déshonoré et déshonorant, de la prostituée ; le Mal vient des soit-disant modèles d'exemplarité, ce qui constitue un portrait cruel de notre société dépeint dans cette nouvelle.